«C ette fois, c'est fini.» Comme Patrice, les dizaines d'ouvriers rassemblés hier devant les portes de l'usine Volkswagen de Forest, en banlieue de Bruxelles ne se font aucune illusion. 4 000 suppressions d'emploi sur un total de 5 300, «c'est, disent-ils, une fermeture masquée». A l'angoisse du lendemain, s'ajoute la colère. Comme l'explique Alain, syndicaliste de la FGTB et depuis dix-sept ans au service du constructeur allemand : «Les dirigeants de Volkswagen ne veulent pas mettre directement la clef sous la porte parce que cela les obligerait à nous indemniser au moins le double.» Or, leur dernier espoir, les ouvriers le disent ouvertement: «C'est une belle prime de départ. Quand on a une famille, un loyer, une voiture, c'est essentiel. Il faut qu'on ait le temps de se retourner. Ils nous doivent bien ça.»
Cauchemar. Dix ans après la fermeture de l'usine Renault de Vilvorde, au nord de Bruxelles, et le licenciement de 3 000 salariés, la Belgique a l'impression de revivre le même cauchemar. L'annonce par Volkswagen de son intention de cesser la production de la Golf sur son site bruxellois a provoqué une déflagration. Le groupe allemand a invoqué la surcapacité de ses usines en Europe de l'Ouest. Mais en choisissant de concentrer la fabrication de ce modèle sur ses deux usines allemandes, il ne fait qu'accentuer la colère en Belgique. Le Premier ministre belge, Guy Verhostadt, s'est dit «choqué que des considérations nationales» ont motivé la décision de Volkswagen, alors que «tant d'efforts ont été consentis ces dernières années pour transformer cette implantation en l'une des plus productives d'Europe». Une opinion reprise par de nombreux ouvriers. «C'est lâche», dit Cyril . «C'est Angela Merkel qui a dit qu'il fallait redonner le travail aux Allemands, croit savoir un collègue. «C'est nul ce nationalisme, juge Patrice, mais on aurait sans doute fait pareil.»
Accusations. La presse belge est tout aussi remontée contre l'Allemagne. La Libre Belgique évoque ainsi un «délit de fuite». «Privilégiant sa terre allemande, Volkswagen a joué la carte nationaliste et protectionniste (...). Mais, poursuit son éditorialiste, « L'essentiel n'est sans doute pas là ; il est dans l'absence de règles industrielles et sociales européennes qui conduisent inéluctablement à tirer tous les coûts y compris les coûts salariaux vers le bas.» Volkswagen a tenté de récuser ces accusations, rappelant que le groupe a entamé une restructuration des sites allemands avec 20 000 suppressions d'emploi sur 100 000.